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Le psilète fantôme
11 novembre 2009

Ungernmania 5 : les interventonnistes

Dans cet "épisode", nous voyons des Tchécoslovaques, Français, Tonkinois, Anglais, Cosaques et Japonais combattre côte à côte des Russes, Allemands, Hongrois et Coréens, la plupart à mille lieux de chez eux. L'essence du Back of Beyond figuriniste. Je me suis pris au jeu d'ungernmania, et ai ressorti bouquins et notes pour compléter les chapitres incomplets. Le délai entre les épisodes 4 et 5 est du entre autres à la lecture de The Midnight War, un autre livre sur le sujet que j'avais depuis longtemps. L'excuse pour cet article sans photo, c'est que je n'ai pas peint le moindre interventionniste encore (à l'exception d'une poignée de Tchécoslovaques)

Sommaire et chronologie

Les Français et les Britanniques ont l'idée d'une intervention dès 1917. Il s'agit alors de renforcer l'allié russe, faiblissant mais encore en guerre sous le gouvernement provisoire. Cependant les ressources en hommes manquent, d'où l'idée de faire appel aux Américains et aux Japonais. Mais ces tentatives échouent. Avec le traité de Brest-Litovsk en mars 1918, les Bolchéviques font la paix avec les puissance centrales, et les hésitations sont levées. Des navires de guerre sont présents depuis longtemps à Vladivostok, officiellement pour protéger les gigantesques stocks d'armes qui y sont entreposés (fournis par les alliés). Dès avril, les premières troupes débarquent. Ce sont encore de modestes contingents de marins. Il s'agit de faciliter l'évacuation des Tchécoslovaque.

L'épisode de la révolte des Tchécoslovaques en mai fournit bientôt l'alibi d'une l'intervention plus importante. Le 29 juin, avec l'assentiment des alliés, les 15 000 Tchécoslovaques présents dans la ville sous le commandement du général russe Dieterichs renversent les autorités bolchéviques de la ville et commencent à lutter contre les gardes rouges vers le nord. Les contingents interventionistes débarquent à Vladivostok en août et se joignent bientôt à eux.

Officiellement, il s'agit d'aider les Tchécoslovaques à sortir du pays, dont le gros est encore retenu à l'ouest d'Irkoutsk. Avec la constitution des premiers "gouvernements" blancs (qui sont plutôt nombreux au départ), l'alibi devient d'aider ces derniers contre les rouges. L'idée, c'est en fait de renverser les Bolchéviques, pour replacer aux commandes un gouvernement russe pro Entente - à définir - dont la principale qualité attendue sera de réouvrir le front est contre les puissances centrales. Il faut se souvenir qu'au printemps 1918, l'Entente connait la période la plus difficile de la guerre. Les troupes allemandes libérées du front de l'est par la capitulation russe sont massées en France. Ce sont les offensives Luddendorf. Le front est enfoncé à plusieurs reprises et colmaté à grand peine. Paris est maintenant à portée des canons géants allemands. Après presque quatre ans de guerre, personne n'ose alors espérer une victoire proche, ni ne peut s'imaginer que l'armée allemande s'effondrera aussi rapidement en automne.

Il y a en plus le problème des prisonniers de guerre politisés allemands et austro-hongrois qui combattent aux côtés des gardes rouges. Il est difficile de se faire une idée numérique de ce phénomène, probablement faible, mais qui prend des proportions démesurées dans l'esprit de dirigeants alliés et des opinions publiques, qui y voient la preuve d'une l'alliance entre les Bolchéviques et les puissances centrales.

Ca, c'est pour Paris et Londres. Les motivations des Japonais sont différentes.

Même si les Japonais sont en guerre contre l'Allemagne depuis août 1914, leur participation s'est limitée à la capture des possessions allemandes en Chine (Tsing Tao, où l'héritage allemand est toujours embouteillé). L'espoir de voir les divisions japonaises combattre en Europe aux côtés de l'Entente fait long feu. En fait les Japonais sont un des grands bénéficiaires de la guerre. Ils profitent du retrait des Européens de l'Asie, et leur prêtent beaucoup.

Leur intervention en Sibérie coïncide avec leurs intérêts impérialistes régionaux. Leur ambition est de créer une zone d'influence en Asie du nord-est, une mer intérieure japonaise bordée par la Corée, la Sibérie orientale et le nord de la Chine. Leur intervention dans la guerre civile russe aura donc pour objectif l'exploitation économique de l'Extrême-Orient russe, le combat de toute force socialiste pour éviter la contagion révolutionnaire, le support de forces réactionnaires - les atamans cosaques - pour entretenir une situation d'anarchie et éviter la constitution d'un pouvoir russe fort, et l'entretien d'une importante présence militaire. Ils ne dépasseront jamais le lac Baïkal à l'ouest. Leurs offres d'aide faites à Koltchak seront repoussées par ce dernier car assorties de contreparties qu'il se refusera à leur accorder. On verra comment la politique suivie par les Japonais finira par se retourner contre eux quand les Blancs auront été balayés et que les Bolchéviques viendront frapper à la porte.

Les Américains sont un autre grand bénéficiaire de la guerre. Leur intervention en Sibérie, outre leur volonté d'aider leurs alliés, est motivée par le désir d'observer et de contrecarrer les ambitions japonaises. Américains et Japonais sont déjà rivaux en Asie et dans le Pacifique, même s'ils n'entreront en conflit ouvert que vingt ans plus tard. Contrairement aux autres alliés, les Américains resteront officiellement neutres dans la guerre civile russe, se refusant à prendre partie pour un camp ou un autre et se cantonnant à des tâches de protection des ressortissants étrangers et des infrastructures. Ils interviennent en fait très tôt en détachant des spécialistes ferroviaires aider au bon fonctionnement du Transsibérien et s'arrangeront pour que le contrôle de ce dernier échappe aux Japonais.

Les effectifs des contingents envoyés sont contrastés. Les Français, les Anglais (et les Italiens) se contenteront d'une présence symbolique. Les Américains envoient 9000 hommes en Sibérie, des unités permanentes venues de Californie et des Philippines. Les Japonais, eux, envoient d'emblée 70 000 hommes, chiffre qui augmentera plus tard jusque 200 000 ou 300 000 [à vérifier, chiffre exact].

Le contingent français se compose du 16e régiment d'infanterie coloniale (218 européens et 213 tirailleurs tonkinois) stationnés en Chine, du 9ème régiment d'infanterie coloniale et d'une compagnie du 3e zouave prélevés sur les troupes d'Indochine. En tout 1140 hommes. (infos sous caution - trouvées d'un forum)

A peine débarqués, Français et Britanniques sont mis à contribution au nord vers Khabarovsk pour aider les Tchécoslovaques sur le front contre les Bolchéviques. Ils sont bientôt rejoints en force par les Japonais, et par des cosaques de l'Amour et de l'Oussouri (l'ataman Kamylkov).

carte

A l'ouest, après de rudes batailles au sud du lac Baïkal, les Tchécoslovaques débouchent en Transbaïkalie. Les Japonais arrivent en force à Mandchouli le 23 août et poussent vers l'ouest. Les Bolchéviques sont balayés. La dernière poche de résistance rouge est réduite à Blagovechtchensk en septembre. L'Extrême-Orient russe va maintenant vivre un an et demi de calme très relatif.

Après cela, les contingents français et anglais iront rejoindre la Sibérie occidentale mais ne combattront plus, exécutant des fonctions de gardes ou honorifiques. Ils repartiront par Vladivostok en 1920. Les Japonais resteront plus longtemps, on le verra.


Quelques ouvrages

The Midnight War - the American Intervention in Russia, 1918-1920, Richard Goldhurst, 1978

Ouvrage consacré à l'intervention américaine en Extrême-Orient et à Arkhangelsk. C'est très vivant. De tout ce que j'ai lu, c'est le livre qui évoque le mieux la Légion Tchécoslovaques, décrivant certaines de ses opérations. Les combats au sud du lac Baïkal feraient un bon film de guerre, ou une table de démonstration spectaculaire, avec progression appuyée par des trains blindés le long de la rive montagneuse du lac, entrecoupés de tunnels qu'on peut faire sauter, appuyés par des brise-glaces armés en guerre, envoi de trains piégés, embuscades dans les montagnes, opérations amphibies nocturnes. J'ai cru détecter une ou deux petites erreurs mais ça n'enlève rien à la valeur de l'ouvrage.

Interventions alliées pendant la guerre civile russe (1918-1920), Jean-David Avenel, Economica, 2001

Bien que mettant l'accent sur les interventions étrangères, ce livre est en fait une histoire de la Guerre Civile Russe. L'auteur a réussi à tout faire rentrer dans 200 pages. Il en résulte un livre très dense, une synthèse extrêmement intéressante présentant bien les tenants et les aboutissants de la guerre - et sans aucun beyoutage - plutôt que le détail des opérations, mais malheureusement difficile à appréhender pour qui découvre le conflit.

With the die-hards in Siberia, John Ward

http://www.gutenberg.org/etext/10972

Ce livre est disponible gratuitement en ligne. Il s'agit de mémoires du commandant des forces britanniques en Sibérie. On suit le 25e bataillon du régiment Middlesex dans ses batailles et pérégrinations, et on croise quelques personnalités.

Les temps sauvages, Joseph Kessel, 1975

Roman autobiographique (longue nouvelle plutôt) de l'aviateur Kessel, envoyé à Vladivostok en 1918 et chargé de veiller à l'acheminement de l'aide française vers le front. Un bon portrait de la ville occupée par les différents groupes, et on y rencontre Tchécoslovaques et Cosaques.

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Commentaires
W
Il y a vraiment des gens qui se débarassent de n'importe quoi... tsss ;)<br /> <br /> Mais je n'envisage pas la peinture d'interventionistes dans l'immédiat.
P
J'ai du marin français qui conviendrait très bien si tu veux, c'est de l'occasion que j'ai achetée à un gars qui en voulait plus ;)
T
toujours aussi super à lire ...<br /> bravo, encore !
S
Cool ! Pas grave pour l'attente. ça vaut le coup de patienter quelques jours. Dommage pour les photos, mais le texte est très bien. J'attends la suite ;)<br /> <br /> Stéphane
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