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Le psilète fantôme
4 mai 2008

Might and Reason

Might and Reason est une règle de jeux consacrée aux batailles de la guerre en dentelle (ce qui pour moi n'est pas une formule très parlante. Il s'agit en fait de la guerre en tricorne, bien que certains portent alors la mitre (qui en plus de donner l'air imbécile, protège moins bien des coups de soleil). L'histoire militaire européenne du 17ème au 19ème siècles devrait être écrite un jour avec le point de vue fashion victim de l'évolution des couvre-chefs.

En fait, ce conflit s'appelle la guerre de sept ans, une guerre européenne et mondiale, dont la figure la plus connue du grand public est Hawkeye, fils adoptif du dernier des mohicans. Mais les conflits américains sont trop petits pour l'échelle de Might and Reason.

Alors un petit extrait de film pour se faire une idée.

C'est la scène dont on se souvient enfant. Et pourtant, il y a ça par exemple ou ça . Barry Lindon, le seul film chiant où l'on ne parvient pas à s'ennuyer.

Pour revenir au sujet, et pour ceux qui préfèreraient les mitres aux tricornes et les charges de hussards aux avances stoïques, il y a ça aussi, et sa suite .

On peut aussi jouer la guerre de succession d'Espagne, qui la précède mais est plus confidentielle, et puis d'autres conflits encore plus obscurs. A propos - dans les à-côtés de ces conflits - ils généraient un regain des opérations de type "Legends of the High Seas", puisque, les nations européennes étant en guerre, elles distribuaient des lettres de marque aux entrepreneurs en flibusterie.

Bref, tout ça pour dire que je n'y connais presque rien. J'y joue parce que des amis y jouent, et parce que je trouve les uniformes très jolis (on fait difficilement mieux). Mais je les peins très librement sur mes figurines, et à chaque fois que je les sors, au cas où, je prépare une petite dizaine de pals enduits d'épices exotiques, pour ceux qui me feraient des remarques désobligeantes. Notamment, je jure sur l'honneur que je ne sais pas à quel régiment correspond telle ou telle figurine.

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Revenons à Might and Reason. Le livret est en A4 (l'équivalent étasunien). En noir et blanc avec quelques pages en couleur (avec de la pornographie figuriniste (c'est à dire des jolies photos de figurines, à toutes les échelles), quelques schémas explicatif représentés avec des figurines vues d'avion et... des pubs.). Le livret fait 80 pages. Et des pages commencent à se détacher du mien alors que je ne l'ai lu qu'une seule fois...

De ces 80 pages, la moitié est consacrée aux règles de batailles elles-mêmes, y compris la partie "générateur de batailles". Viennent ensuite dix pages pour les règles de campagne, deux scénarios (Warburg et Zorndorf), et puis vingt pages de listes d'armées et de généraux, et enfin un petit résumé et une feuille de référence.

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Les règles sont plutôt simples. Le tir, surtout, est d'une simplicité biblique. Le mouvement, y compris les charges, les évasions et les mouvements après combats sont un peu plus compliqués à mémoriser, parce qu'il y a beaucoup de cas particuliers, mais ça reste largement maîtrisable.

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Quel est le soclage ? Le jeu se joue très bien avec toutes les échelles de figurines. Le soclage conseillé pour les petites échelles (15mm et moins) est une largeur de 5cm sur une profondeur de 2,5cm. Pour les grandes échelles, 5cmx5cm. En fait, peu importe le soclage, pourvu que les socles aient la même largeur dans les deux camps. Les photos en illustration proviennent de notre partie de test hier soir. Nous jouons avec nos socle DBX de 4cm sur 2cm, avec 4 figurines dessus, parce que c'est ce que nous avons. L'auteur case 12 figurines 15mm sur deux rangs sur ses socles 5cmx2,5cm. C'est plus joli, c'est sûr, mais ça représente tout de même trois fois plus de figurines à peindre ! L'idéal est sans doute d'y jouer en 6mm.

La largeur du socle représente l'unité de mesure du jeu. Toutes les portées, distances, etc. sont indiquées en largeur de socle (BW). Par exemple, de l'infanterie régulière en formation de marche avance de 5 BW (20cm), et en formation de combat de 2 BW (8cm).

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Les unités sont une division abstraite du jeu. Elles sont toutes constitués de deux socles. Côte à côte pour une unité en formation de combat. L'un derrière l'autre pour une unité en formation de marche. L'artillerie est sur un socle carré.

L'originalité du jeu réside dans la phase de jeu, qui donne une gestion du temps très élastique. Le jeu est divisé en tours. Première surprise : la bataille ne commence pas forcément au tour 1. On lance un dé en début de partie pour savoir à quelle heure la rencontre commence. Cela donne des parties qui commencent du petit matin (tour 1) à l'après-midi (tour 4). Le coucher du soleil, lui, est conditionné par la météo et la saison. En été et par temps clair, le jour se termine au tour 8. En hiver s'il pleut ou neige, il se termine au tour 5. (A propos, je n'ai pas trouvé comment on déterminait la météo et la saison dans une partie classique – je suppose que l'on joue par beau temps en été ou automne). Tout cela est théorique, car le tour peut se prolonger après cette limite, puisqu'on lance un dé à la fin de chaque tour pour voir si on en ne fera pas un de plus. En été par beau temps et en s'y prenant tôt, on sera donc assuré de jouer au moins 8 tours. En hiver, par mauvais temps et en commençant tard, on peut très bien ne jouer que 2 tours ! Et encore, vous n'avez rien vu...

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Car le tour est divisé en impulsions (pulses). Au début de chaque tour, on lance des dés d'initiative pour savoir qui joue le premier, en même temps qu'un dé qui nous dit si le tour continue, ou si on s'arrête tout de suite. Un tour comportera de une à quatre impulsions. En sachant qu'une impulsion comporte la phase complète tirs/mouvements (ce qui correspondrait à un tour dans un autre jeu), cela donnera des tours où il se passe plein de choses (4 impulsions) et des tours où il ne se passe presque rien (1 impulsion). En amplifiant notre exemple ci-dessus, on peut avoir théoriquement des parties hivernales à deux impulsions (2 tours à 1 impulsion chacun) et des parties estivales à 24 impulsions et plus (8 tours à 4 impulsions).


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Beurk des mitres !


En fait il y aura trois sortes de batailles. Celles où une des deux armées craque au moral ; celles où l'une des deux armées se rend (à la discrétion du joueur) ; et celles où le jour tombe avant qu'une décision ait pu se faire. Dans ce dernier cas, les deux joueurs notent secrètement s'ils se retirent à la faveur de la nuit ou s'ils restent sur place pour poursuivre la bataille le lendemain. Si les deux décident de rester, la bataille reprend le lendemain.

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Quid du commandement ? Il y a d'abord un général en chef par armée, qui est indépendant et peut commander l'artillerie. Ensuite l'armée est divisée en « corps », chacun sous le commandement d'un général subalterne, et comportant généralement de 3 à 5 unités. C'est tout. Les généraux ont certaines qualités (ou défauts), qu'on tire au hasard (sauf si on joue un scénario historique, auquel cas on peut se reporter à une table des généraux. Certains généraux passifs auront ainsi du mal à se motiver pour bouger. D'autres seront agressifs, d'autres brillants relancent automatiquement un dé pour s'activer. On peut aussi (c'est une règle optionnelle) tirer au début de la bataille si le général s'est "levé du bon pied", ce qui peut modifier ses caractéristiques pour la journée.

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A chaque impulsion, pour activer un corps, il faut tirer deux dés. En fonction de la somme résultat, et de la distance de l'ennemi, un général devra soit rester passif ce tour, soit pourra activer ses troupes normalement ou soit sera même particulièrement agressif et devra essayer d'attaquer l'ennemi.

Pour éviter qu'un subordonné reste inactif au moment le plus crucial de la bataille, le général en chef dispose d'une réserve de dés de commandement. Il peut allouer un dé par général, qui lance alors trois dés d'activation au lieu de deux (et garde les deux de son choix). Le nombre de dés de commandement dépend de la qualité du général en chef (un général moyen aura 2d6 dés de commandement à chaque tour. Un général brillant 4d6).

Car le nombre de dés de commandement est tiré au début de chaque tour, et ils servent pour ce tour seulement, sans pouvoir être reportés au tour suivant. Et comme on ne sait jamais à un moment donné combien un tour aura d'impulsions, il faut décider si on brûle tous ses dés de commandement tout de suite, ou si on en économise pour la suite du tour, sachant qu'on ne sait pas s'il y aura une suite au tour. Notez que les points de commandement peuvent servir à d'autres choses, comme déplacer le général en chef (l'état-major) ou relancer un dé de combat.

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Pour en revenir au règles de combat, chaque unité dispose de points de force. De 6 à 7 généralement pour l'infanterie de ligne. Elle en perd en subissant des tirs et en mêlée. Dès qu'elle atteint zéro, on la retire du jeu. C'est simple mais ça oblige à avoir des petits marqueurs (les seuls du jeu), ou bien à repérer les unités et à noter leur état sur une feuille de papier (non pitié, le cauchemar de POW ne va pas recommencer !). On peut aussi essayer de récupérer des PF, mais il faut se reposer assez loin de l'ennemi, et c'est difficile.

Les corps à corps sont rarement décisifs. En général, si l'attaque réussit, l'attaquant se retire quand même, et subit une perte, le défenseur en subissant deux. Si l'attaque a raté, l'attaquant subit une perte et le défenseur une seule. C'est du combat d'attrition.

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Les tirs sont résolus en simultané (ou presque) par les deux joueurs avant les mouvements et les charges. On place des marqueurs de coton pour indiquer qui a tiré. Pourquoi ? L'artillerie qui a tiré ne pourra pas se déplacer ce tour. Et, pour pouvoir charger, l'infanterie régulière doit avoir tiré sur son adversaire. Rassurez-vous. La phase de jeu se mémorise facilement (là encore, vade retro POW !), et c'est plus simple dans cet ordre (en plus le coton fait joli et les champs de bataille de l'époque étaient remplis d'une épaisse fumée blanche).

Deux systèmes de campagne sont proposés. Le premier (kleiner Feldzug) permet de jouer des campagnes d'une année sur une carte simplifiée (des noeuds reliés par des routes ). Le second est un "module" permettant de jouer avec M&R les batailles du jeu en boîte Soldier Kings d'Avalanche Press.


Que dire de plus ? Pour caricaturer, il y a deux écoles dans le jeu d'histoire. Celle qui donne des mesures précises temporelles et spatiales, avec un tour de durée fixe, une échelle au sol précise, des portées détaillées, des bataillons dont la surface occupée est cohérente avec le nombre d'hommes théorique, en résumé la recherche du détail qui tue. Ces gens là tendent toujours le bâton pour se faire battre, car jamais le résultat n'est cohérent ("Tiens avec ton échelle de jeu, la cavalerie se déplace au maximum de 1,5 km/h"). On trouve les pires représentants de cette école, dans le genre "maniaco stupidis ab absurdum" chez les Napofigurinistes et c'est sûrement pour ça que je les ai (abstraitement) en grippe en tant que groupe ayant produit les représentants les plus tristement guignolesques du hobby (sans jeter tout le monde dans le même panier, quoique...).

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Et puis il y a celles qui choisissent de mettre de l'abstraction, du hasard, de la fluidité et des mécanismes purement ludiques, et qui pour peu que les mécanismes aient été bien pensés, réussissent avec n fois moins de règles une simulation souvent n fois meilleure, en tout cas n fois plus convaincante dans son rendu du feeling et des préoccupations du point de vue du général en chef, et se jouant en n fois moins de temps avec n fois moins de discussion sur les règles, n fois moins de tables de référence, n fois moins de marqueurs. Might and Reason appartient à la deuxième école.

A propos du hasard dans les opérations militaires, je vous conseille un petit bouquin salutaire. La logique du Grain de Sable, d'Erik Durschmied, dont voici une bonne revue.

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Qu'est-ce que je n'ai pas aimé ? La durée des parties, d'abord, sans être démesurée, n'est pas en phase avec les jeux hyper rapides d'aujourd'hui. C'est aussi parce qu'on n'y joue pas assez souvent et qu'on ne maîtrise pas les règles. C'est le SIA (Syndrome Interrégoliste Aigu). Ensuite le seuil de démoralisation est un peu trop déterministe, surtout au regard du reste. Sans être comme dans certaines règles un peu "vieillies" ("il me manque plus qu'une plaquette pour te démoraliser : je prends tous les risques pour la détruire"), ça reste un peu trop prévisible. Ici, une fois qu'on a détruit le nombre d'unités prédéterminé, il suffit d'arrêter d'attaquer et d'attendre que l'autre craque. Et enfin... comment dire... les Prussiens sont trop forts ! Comment ça, je joue les Autrichiens. Et alors ? Les Prussiens sont trop fort, na ! C'est tout pour le moment.

Au fait, quelle est la qualification du critique ? J'y ai joué deux fois et j'ai lu les règles une fois.

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Commentaires
W
A propos de VV, si quelqu'un a de jolies figurines en assez grand nombre pour illustrer, je peux lui proposer une collaboration pour faire un article.
W
C'est bien warhammer première guerre mondiale. D'après les rumeurs ça doit sortir en mai. Développé à base de 40K. Echelle une fig pour 4 hommes si j'ai bien compris.<br /> <br /> Ca aborde la guerre de mouvement sur le front ouest (1914 et 1918). Il devrait y avoir des suppléments.<br /> <br /> Il faudra que je fasse une revue de Price of Glory aussi, à l'occasion.
S
The Great War!!! The Great War!!! The Great War!!!!<br /> Par ce que Blitzkrieg on connait et ça a l'air d'être une règle unanimement appréciée.<br /> The Great war, c'est bien Warhammer Première Guerre Mondiale ?
W
Merci pour les commentaires. Perso quand les articles sont trop longs, j'ai du mal à les lire...<br /> <br /> Bon, prochaine revue : Blitzkrieg. Ou peut-être The Great War. Ca dépendra de la sortie...
S
Pfffff....Si on peut plus rien dire.......<br /> Excellent analyse de règle en effet qui, comme pour LotHS, comble agréablement les lacunes de Vae Victis dans ce domaine. Merci, Denis!
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