Réveil en lecture
Il est temps de réveiller un peu le psilète. Le défi va d'être de réussir à présenter de la peinture dans les prochains jours pour ne pas achever sa nicofiguisation.
Car nous allons parler bouquins aujourd'hui. Contrairement à ce que prétend Dragon Tigre, je ne lis pas que des bouquins historiques. ;)
J'ai entamé la lecture du Samouraï Virtuel (Snow crash) qui commence intéressant, mais j'ai eu du mal à accrocher. En fait, il souffre du même syndrome que tous les romans qui se passent dans un futur proche : il se démode très vite. Le roman a quinze ans et ça se sent. Mais ça a l'air intéressant, donc je l'ai juste mis de côté et entamé "Zoulou Kingdom" le temps d'un week end, qui promettait d'être court.
En lisant le titre, je me suis dit que l'auteur (homonyme de l'inoubliable interprète de Vercingétorix) devait avoir joué aux jeux de rôles, puisqu'à la fin des années 80 une édition de MEGA présentait un scénario célèbre qui ressemblait fort au thème du roman : les Zoulous envahissant l'Angleterre. Ensuite, en le lisant, on tombe sur un général britannique reproduisant Alésia (dont comme chacun sait le site se situe dans la plaine de la Lys à Merville), et puis un passage où on voit que l'auteur a lu Carnage et Culture d'Hanson et qu'il en pense ce que toute personne sensée devrait en penser. Bref c'était excitant. Imaginer l'auteur en joueur partageant quelques centres d'intérêt.
Et puis à la fin, surprise : postface assez conséquente où l'auteur explique toutes ses sources et inspirations. Pas de MEGA (autant pour mes facultés d'induction), mais Hanson, Osprey, et des petits soldats airfix comme beaucoup.
Sinon le roman est un bon roman populaire, qui se lit très vite et avec plaisir, en faisant se croiser quelques personnages célèbres du Londres de 1879 ou presque (je ne vous dirai pas lesquels, le choix est original), mais pas mal pourvu d'anachronismes. En même temps, dans un bouquin où des guerriers zoulous sautent à la perche dans le palais de Westminster, qui s'en plaindra...
J'ai lu une revue du livre sur un autre blog, mais j'ai oublié où, et je m'en excuse.
Après de la SF et de l'uchronie, je suis passé à de la fantasy.
Les Feux de la Fantasy
J'ai sur la fantasy des sentiments très partagés. C'est un genre qui produit aussi facilement de purs chefs d'oeuvre que des nanars absolus, et parfois la frontière entre les deux semble très ténue. Ce qui m'horripile le plus ce sont les séries interminables. Quelque part à la fin des années 70 ou au début des années 80, on a découvert les vertus du roman fleuve de fantasy en termes de ventes. En gros, à partir du moment où un truc comporte au moins 3 gros tomes (3 étant vraiment le minimum syndical : 6 c'est mieux, 9 ça commence à être bien), parle de guerriers, de magie et de dragons, et d'un p'tit gars comme vous et moi qui ne le sait pas encore, mais est promis à un grand destin, et porte un nom comme "le cycle de l'oeil du destin", ou "la saga des dragons aptères", ou encore "le dit des guerriers de la table logarithmique", le truc est sûr de se vendre quel que soit les conneries qu'on y écrive.
Peu à peu le système s'est perfectionné et on a inventé la série qui ne se termine jamais. Surement sur le principe qu'il ne faut jamais tuer la poule aux oeufs d'or avant sa ménopause. Le problème c'est qu'au bout de quelques tomes de ce régime, en ajoutant quelques personnages à chaque fois et surtout en prenant son temps pour ne pas hâter l'avènement du destin du p'tit gars prometteur, ce qui signifierait la fin du cycle, la série change immanquablement et se rapproche de plus en plus d'un chef d'oeuvre télévisuel méconnu : les Feux de l'Amour.
Pour moi La Roue du Temps de Robert Jordan est la plus typiquement typique de cette stratégie et de ses dangers. Ca commence comme un cycle de fantasy classique avec de bonnes idées, qui nous appâte, et puis une fois le lecteur ferré, les nouvelles bonnes idées se font de plus en plus rares, le nombre de personnages à suivre croît démesurément, et le truc finit par s'enliser dans un marécage insondable où il ne se passe plus rien, et qui dans le cas de Jordan, pour être honnête, ne ressemble pas tant aux Feux de l'Amour qu'à la Petite Maison dans la Prairie, sachant qu'en plus on n'a pas un épisode par semaine, mais onze tomes en quinze ans. Là dessus est arrivé ce qui devait arriver : l'auteur est mort l'année dernière. Bien sûr le truc n'était pas terminé.
Autre exemple, Le Trône de Fer de G.R.R. Martin. Comment a-t-il pu passer de la nouvelle au roman océan ? Disons-le tout de suite, Le Trône de Fer est passionnant (en plus de plusieurs adaptations en jeux, dont des figurines) et n'a pas le côté gnangnan de La Roue du Temps (c'est plutôt le contraire). Par contre, il a fallu attendre cinq ans le dernier tome, et il y en a encore 3 prévus, ce qui devrait nous mener en 2023. Sauf que le nombre de tomes prévus augmente sans cesse (on est passé de quatre à sept). Si on en ajoute deux supplémentaires - ce qui est optimiste vu la manière dont le temps se dilate et l'action se délite dans le dernier tome - la fin de la série sera en 2033, soit au quatre-vingt-cinquième anniversaire de l'auteur, s'il conserve ses facultés jusque là ou ne décède pas purement et simplement avant. En plus ça fait un bout de temps que l'on devine comment tout cela va finir. Attendre encore vingt cinq ans une fin que l'on a devinée il y a dix ans, ça va être long, très long. Et en plus monsieur s'amuse à interrompre le cycle pour écrire des nouvelles se passant avant l'action du cycle. Ca ne va pas nous rapprocher de la fin. Bref, c'en est trop : j'ai décidé de boycotter le Trône de Fer. Je le le lirai quand... ce sera terminé. Autant dire jamais.
Ce mouvement de mauvaise humeur était juste pour introduire un nouvel ouvrage (pas si nouveau : il est paru en 2004 en anglais), une excellente surprise, une sorte de comète surgissant du magma morne et convenu recouvrant les rayons de fantasy.
Première chose : c'est fini (sauf mauvaise surprise imprévue quand je serai à la fin du deuxième tome) (l'auteur ayant 77 ans, il est heureux qu'il n'ait pas prévu d'en écrire dix). C'est long certes, mais moins que certains romans de Dumas (nettement moins que les Mohicans de Paris, mon préféré).
Les couvertures sont un peu convenues et ne présagent pas vraiment du contenu (heureusement que j'ai déjà lu l'auteur). Je ne vous raconterai pas l'histoire. Sachez simplement qu'il s'agit d'un p'tit gars comme vous et moi qui est promis à un grand destin. Euh... oui.... Mais pas tout à fait.
Le style est déroutant, souvent elliptique. Le narrateur (c'est un roman épistolaire en fait) passe son temps à faire référence à des personnages qu'il n'a pas encore rencontré à ce moment du récit, oublie parfois de raconter des choses, qu'on reconstitue impatiemment après, passe même vingt ans presque sous silence, dont il parle par allusions avant et après. C'est ludique, rafraichissant, ça entretient l'intérêt, et on dévore pour aller plus loin, sans se laisser dérouter par les multiples péripéties rocambolesques. On n'est jamais sûr de qui est quoi et les choses sont rarement ce qu'elles semblent être, et je m'attends à une grosse surprise.
L'univers, tel qu'on le découvre progressivement, est passionnant et plein de trouvailles originales. Il s'inspire des romans de chevalerie et de la mythologie germanique qu'il reconstruit avec un système de mondes successifs sur sept niveaux, à la fois cohérent et varié, logique et magique, éculé et nouveau. Le roman est un peu un mélange de choses convenues mais traitées de manière libre et originales par un auteur qui ne se laisse pas encarcanner par des codes.
Résultat : 1600 pages de plaisir pur et dépaysant. Hautement recommandé par le psilète.
Bon, j'y retourne. Il commence à y avoir beaucoup de personnages, dont une brochette de chevaliers, un chien et un chat qui parle qui me laissera un souvenir inoubliable, une paire d'elfettes du feu, des géants, un ogre, et tout un royaume de trolls à la Peer Gynt. Heureusement, ça se termine dans moins de cinq cents pages et ça ne devrait pas avoir le temps de se transformer en Feux de l'Amour d'ici là.